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Chronique du temps présent : Une laïcité d'intelligence, par Abdennour Bidar


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Chronique du temps présent : Une laïcité d'intelligence, par Abdennour Bidar

 

 

Nos cousins québecois ont cette fois un peu d’avance : à l’heure où notre ministère de l’Éducation nationale se pose à nouveau la question d’un « enseignement laïque des faits religieux », dès 2008, ils instituent, à l’école publique, un programme obligatoire d’« éthique et culture religieuse » (ECR).

Dans les deux cas, le même but motive la démarche. Nous vivons dans des sociétés très multiculturelles, où les individus n’ont pas la même vision du monde mais cohabitent avec une pluralité de croyances, de convictions, de conceptions du sens de la vie. Dans un tel contexte, il s’agit de s’assurer que l’athée, le croyant et l’agnostique puisent connaître, comprendre et tolérer une vision du monde qui n’est pas la sienne. Et, qu’au lieu de s’ignorer, de vivre dans l’indifférence ou la violence, ils apprennent à vivre sereinement toutes ces différences.

 

Est-ce cependant à l’école de présenter aux enfants le choix entre croire, douter et ne pas croire, ainsi que l’éventail des croyances religieuses et des sagesses profanes de l’humanité ? Grande question à laquelle deux courants de pensée répondent « non » – au Québec ou chez nous. Il y a d’abord des familles et des autorités religieuses qui considèrent que l’école n’est pas légitime pour ce faire. Leur argument étant que présenter aux enfants une multitude de convictions – sur l’existence de Dieu, la vie après la mort, etc. – risque de semer le trouble, et de perturber ceux qui sont élevés dans telle religion déterminée. Comment pourront-ils ensuite continuer de croire en ce que leurs familles leur ont appris à considérer comme le « vrai Dieu » si l’école leur a montré qu’il existe bien d’autres alternatives?? Le risque, selon les détracteurs d’un tel enseignement serait ainsi de faire basculer ces jeunes croyants dans « un relativisme selon lequel toutes les croyances se vaudraient. »

 

Il y a ensuite l’objection symétriquement inverse, du côté de l’athéisme : le risque pour l’école ne serait pas de semer le doute dans la tête des enfants de familles croyantes, mais tout au contraire, dans une forme de prosélytisme – une publicité pour la foi – qui menacerait la liberté de conscience des enfants qui, chez eux, ne « reçoivent pas d’éducation religieuse ».

 

Ces deux objections me semblent également erronées, pour une seule et même raison. C’est justement la caractéristique d’une école laïque que de savoir parler de religion, de doute, d’athéisme. Sans influencer le libre choix des élèves, tout en leur apprenant à l’exercer. Notre école publique a ainsi à cœur de « garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ».

 

Le mot « objectif » est le plus important ici, il explique la laïcité de l’école comme une impartialité : elle ne force personne à croire, elle n’empêche personne de croire?; elle ne force ni n’empêche pas, non plus, de douter. Elle fait connaître, elle fait comprendre. Elle enseigne ce que recommandait Spinoza au XVIIe siècle : ne pas haïr, ne pas juger mais comprendre. C’est par conséquent l’exercice par les professeurs de ce que Régis Debray appelait « une laïcité d’intelligence » : une laïcité de l’école qui remplit sa mission. Celle d’être le creuset de la société de demain en apprenant aux enfants à vivre avec toutes leurs différences de façon fraternelle ou amicale – c’est-à-dire à mieux se connaître, à se rapprocher pour être davantage capable de se respecter et de s’estimer mutuellement.

Une telle école ambitionne d’éduquer toute une jeunesse – la nôtre – à acquérir ce bien commun d’une même vertu morale et d’une même culture sociale de la tolérance mutuelle, de la reconnaissance réciproque.

 

Pouvons-nous désormais nous passer d’un tel apprentissage à l’école ? À l’heure où les tensions se multiplient et s’aggravent dans notre société ? Entre les musulmans, les juifs, et tous les autres. C’est ce dont nous a averti l’opposition qui s’est exprimée récemment entre ceux qui ont dit « Je suis Charlie » et ceux qui ont dit « Je ne suis pas Charlie ». Les premiers sacralisent la liberté d’expression, les seconds sacralisent le respect de la religion.

 

Comment allons-nous faire pour vivre les uns avec les autres si nous n’avons pas le même sacré ? Si nous ne savons que nous accuser mutuellement de ne pas respecter le sacré de l’autre ? Pour que nous ne nous exposions pas, dans les années et les décennies à venir, à de nouvelles guerres de religion, il faudra bien que les générations aient été élevées non pas dans l’ignorance de l’autre, ni dans une seule vision du monde, mais que chacun ait eu les moyens de comprendre – dès son plus jeune âge – qu’il y a entre les hommes de la terre une multitude de convictions sur le sens de la vie, sur le sacré. Il faudra aussi que chacun ait appris à l’accepter pleinement, à percevoir cette diversité comme une richesse, et pour sa propre conviction comme une source d’enrichissement. Mieux même, je souhaite personnellement que cette connaissance et reconnaissance mutuelles nous donnent l’idée de chercher, en puisant dans les héritages de nos visions

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